Arrêt de justice

Huit trafiquants de drogue présumés, dont certains récidivistes, n’ont pu plaider leur cause devant un tribunal faute de magistrat disponible, en mesure de présider l’audience. La juge hospitalisée n’a pas été suppléée, ses trois confrères étant en arrêt maladie. La détention provisoire ne pouvant être prolongée, la loi oblige en pareille circonstance à libérer immédiatement les suspects et à reporter le procès, en l’occurrence d’une dizaine de mois. Ils restent toutefois sous surveillance judiciaire et l’on comprend le désarroi des prévenus qui n’ont pas pu être entendus pour libérer leur conscience.

Quant aux policiers qui les arrêtent régulièrement, les présentations ont été faites, les procédures de filature et d’interception se sont bien rodées au cours du temps ; ce qui s’interprète comme des signes d’irritation de leur part va finir par se transformer en une forme d’amusement. Si leur surveillance n’est pas trop pesante, et pour peu qu’ils ne dépassent pas les nouvelles limites de vitesse sur les voies secondaires, les suspects disposent de dix mois pour se réinsérer et reprendre leurs affaires sans trop d’inquiétude.

Certains seraient tentés de poursuivre l’État pour faute grave dans l’exercice de l’une de ses tâches régaliennes. La démarche serait probablement vaine ; il est vrai que si l’on manque de juges en France, il n’est pas nécessaire de multiplier les procès.

L’idée de faire pousser des chênes pour y rendre la justice n’est pas la plus novatrice, mais comment protéger les honnêtes citoyens de ceux qui ne le sont pas et qui agissent en toute liberté pour des questions de procédures, ou plus simplement parce qu’ils ont purgé leur peine, tels ces 450 radicalisés du djihad qui s’apprêtent à quitter très prochainement leur prison ? Une solution consisterait à incarcérer les innocents, sans procès bien évidemment.

Philippe Nourrisson