La croix et la bannière

Dans la vague de barbarie qui a suivi la révolution bolchevique, de nombreuses croix ont été saccagées. Récemment  un producteur de yaourt a estimé, dans un grand courage commercial, qu’il était plus vendeur de supprimer la croix surplombant un édifice orthodoxe reproduit sur l’emballage de ses produits. En Belgique, Saint Nicolas supprime la croix sur sa mitre au profit d’un cercle. Et en France, onze années ont suffi au Conseil d’État pour trancher sur la décapitation d’une arche protégeant une statue de Jean Paul II en Bretagne. La croix est ainsi devenue l’arme du diable, au point de se demander si il ne faut pas condamner la Croix-Rouge et supprimer les croix vertes des pharmacies. Pourtant, bien au-delà de nos croyances, elle nous rattache au fondement millénaire de notre culture. La diaboliser est un aveu de faiblesse et de renoncement, qui offense une majorité pour satisfaire une minorité cruciphobe.

Il n’est pas surprenant que dans un environnement dominé par la pleutrerie, la loi de 1905 soit appliquée dans toute sa rigueur, sans discernement ni concession, au mépris de notre histoire et de nos racines chrétiennes. Les puristes n’acceptant aucune digression sur la laïcité, peuvent se réjouir, si pour autant c’est bien de la laïcité uniquement dont il est question, et si dans ce combat de la plus haute importance, ce n’est pas l’arbre qui cache la forêt.

Sed lex, dura lex – Quelles que soient nos croyances, nous sommes tous égaux devant la loi. C’est simplement dans son application qu’elle est plus moins bienveillante et s’adapte aux croyances en fonction des rapports de forces. La religion catholique ne représentant pas un danger immédiat, la République fait preuve de ce qui lui manque le plus par ailleurs : le courage.  Nos nobles institutions sont plus promptes à réagir contre les crèches dans les mairies, que contre le port du voile intégral sur la voie publique ou celui du burkini sur les plages. Quant à nos libres-penseurs, ils pensent plus ou moins librement sur les mêmes sujets. Sous les bannières de la laïcité, on peut  fermer  les yeux sur les prières de rue qui se sont développées sur une cinquantaine de sites publics en France, mais il convient de rester inflexible sur un symbole religieux qui a façonné notre histoire. Il faut dire que cette République « une et indivisible » ne sait faire respecter la loi que là où elle est encore présente et reconnue ; sinon dans les zones de non-loi, c’est celle du plus fort qui s’applique, et ce n’est pas celle de la République.

La statue avec sa croix devrait être vendue aux autorités religieuses, pour être érigée dans un lieu privé. Elle sera moins visible, et c’est une victoire pour les intégristes laïcs, même s’ils se sont encore trompés d’ennemis.