La légion d’honneur pour tous ?

Castabé - Légion d'Honneur réduitComme s’il ne suffisait pas aux dirigeants de notre pays de manoeuvrer à la godille, tant sur le plan économique que social, et de vouloir changer en profondeur nos modes de vie en dépit de la volonté populaire , voici maintenant que l’emblème impérial devenu la récompense suprême des “valeurs de la république” se voit décerné sans discernement.

Il suffit de visiter le site de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur pour comprendre ce qui la caractérise: “La Légion d’honneur réunit des personnalités célèbres et des citoyens inconnus du grand public autour du mérite personnel au service de la nation. Chaque nouvelle promotion de décorés raconte la noblesse des actions individuelles ou des parcours professionnels et sociaux qui dessinent les contours de la grandeur collective. La Légion d’honneur illustre l’esprit civique français, le sens de l’intérêt commun”.
Or, dans le cadre de la promotion spéciale distinguant les personnes tuées lors des attentats de janvier 2015, promotion souhaitée par le président de la république et portée au journal officiel du 1er janvier 2016, cette haute distinction a été attribuée aux quatre journalistes du magazine Charlie Hebdo: Cabu, Tignous, Charb et Honoré.
Il n’est pas besoin de revenir sur l’horreur de ces assassinats, ni de réaffirmer notre compassion auprès de leurs familles puisqu’il tombe sous le sens que la vie humaine est sacrée. Cependant, il semble légitime de se poser la question de savoir si les actions des journalistes de Charlie Hebdo entraient dans le cadre de cette distinction: insultes, blasphème, moquerie, dérision des religions aux institutions comme la police ou l’armée, étant le terreau de leurs “années de service”, comme il est mentionné dans le Journal Officiel.
Cette décision quelque peu légère de les gratifier du titre de Chevalier de la Légion d’Honneur a donc suscité les indignations, à commencer par Bernard Zeller, fils du Général André Zeller, qui a demandé à la Grande Chancellerie sa suspension de l’Ordre, Monsieur Zeller “ne souhaitant en aucun cas voisiner avec ces personnes”.
Une autre question légitime est de se demander quelle est, aujourd’hui, la valeur réelle de cette distinction qui, de fait, embrasse en un large spectre des personnalités aux “services” si disparates allant de l’héroïsme à la vindicte; ne deviendrait-elle pas, au regard des événements, un signe supplémentaire du délitement progressif des institutions républicaines, auxquelles nos dirigeants semblent ne plus croire eux-mêmes?

Dominique LELYS