La révolution «  (agri)culturelle »

Selon des études publiées par les chambres d’agriculture, l’année 2016 est à barrer d’une croix rouge. Le commerce extérieur est terne, les investissements en baisse et les revenus en chute. Les aléas climatiques et la vive concurrence que se livrent les producteurs agricoles sur le territoire communautaire contribuent largement à noircir ce constat.

S’il est un domaine d’instabilité économique, où chaque année diffère de la précédente et ne présage pas la suivante, c’est celui de l’agriculture. Bien sûr, rares sont les années où des coups de froid début avril, des inondations au printemps ou des sécheresses en été ne viennent pas en peu de temps neutraliser des centaines d’heures du dur labeur de nos agriculteurs. Depuis que l’homme cultive la terre, il en est ainsi. Mais au-delà de cette considération, depuis près de 20 ans, la production stagne, les prix sont orientés à la baisse et ce mal semble plus sensible en France qu’ailleurs. Alors nous sommes en droit de nous demander pourquoi la France, pourtant la plus grande ferme d’Europe, s’affaiblit alors que la concurrence s’avive et pourquoi nos paysans sont de plus en plus nombreux à abandonner leurs terres, quand ils ne sont pas tentés de commettre des actes désespérés.

La faute aux excès climatiques, à la bureaucratie européenne, à la concurrence des pays à bas coût de main d’œuvre, aux sanctions à l’encontre de la Russie, aux soubresauts de la politique chinoise… La liste n’est pas exhaustive. Difficile néanmoins d’imaginer que les causes ne sont pas essentiellement françaises, résultat d’une réglementation excessive, d’une administration omniprésente et trop attentive aux détails, de directives plus ou moins pertinentes et de consommateurs parfois ingrats, avides de produits biologiques, pas chers et, de préférence, hors saison.

Comptons sur notre nouveau ministre, sur son pragmatisme et son aptitude à convaincre ses pairs européens, pour engager une révolution (agri)culturelle. Il est absolument anormal, voire humiliant que, hors circonstances exceptionnelles, nos paysans soient redevenus les serfs de l’administration, dépendants des subventions, à défaut de pouvoir vivre décemment de leur travail.

Si la solution était simple, elle aurait été trouvée. Mais il y a fort à parier que si nos dirigeants continuent à s’arc-bouter sur leur dirigisme kolkhozien, sans remise en cause en profondeur de l’organisation de la profession et du marché, la situation ne fera qu’empirer. Pourtant il y va de notre indépendance alimentaire et, si les deux mamelles de la France se tarissent, de quel sein la mère-patrie pourra-t-elle nous nourrir ?

Philippe Nourrisson