Le référendum d’initiative populaire ? Oui, mais pas sans le roi

Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, le référendum d’initiative populaire se trouve depuis plusieurs années dans notre plateforme politique. La plupart des adhérents, convaincus par les conférences de Yvan Blot, ont « provoqué un référendum populaire » : c’est un clin d’œil, bien entendu, mais, à la demande de nos adhérents, la « démocratie directe » a bel et bien été inscrite dans la liste de nos propositions. C’est probablement une bonne chose : souvenons-nous du mépris de la République pour le vote de la majorité des Français sur le traité constitutionnel européen de 2005. Cependant, dans nos propositions, un petit complément a été ajouté : le résultat d’un référendum, lorsqu’il a lieu au niveau national, devra être promulgué par le souverain. Autrement dit, le referendum serait une façon, pour le peuple, de s’adresser directement au roi et non aux instances politiques auxquelles il risque de se heurter. Et c’est au roi qu’il appartiendrait, à l’aide de son Haut Conseil, de vérifier que le choix ainsi exprimé n’est pas en contradiction avec les intérêts fondamentaux de notre pays.

Qu’en est-il dans notre bonne vieille République ?

Pour commencer, il n’y a pas de roi, vous l’aurez remarqué. Il y a un monarque, le président, mais il est englué dans le jeu politique. Surtout depuis que M. Sarkozy, imité par ses illustres successeurs, a estimé de son devoir de se comporter comme un super-premier ministre. Le Président n’est plus au-dessus de la mêlée, si tant est qu’il l’ait jamais été. Ainsi, un référendum d’initiative citoyenne peut virtuellement le remettre en cause, autant que n’importe quel élu dont la légitimité n’est finalement pas moins bien établie que la sienne. Si le président s’exclut du jeu, s’il prétend être intouchable, alors il conteste la souveraineté du peuple qui l’a élu. Sauf en cas de vice de forme, le président ne peut que promulguer les décisions référendaires. Il n’y a donc pas d’arbitre.

Ensuite, nous vivons dans un régime de partis. C’est le fondement même de toute régime démocratiste, c’est-à-dire une démocratie fondée sur le mythe de la souveraineté du peuple. Démocratie populaire : un seul parti représentant le peuple. Démocratie représentative : plusieurs partis représentent le peuple, chacun estimant le représenter plus que les autres. Le référendum d’initiative citoyenne est donc une arme redoutable entre les mains des partis d’opposition. Les votes ne seront plus destinés à trancher une question concrète, mais constitueront autant de coups de poignard dans le flanc des partis au pouvoir, risquant de bloquer toute politique un tant soit peu construite.

Ce phénomène serait bien entendu amplifié par le caractère révolutionnaire de mouvements comme la France Insoumise et autres ligues communistes rouges ou vertes. Rassembler quelques centaines de milliers de signatures sera pour eux un jeu d’enfant : la discipline militante de ces mouvements n’est plus à démontrer. Il leur sera ensuite possible de négocier en position de force avec le gouvernement pour obtenir des concessions et faire avancer par effet cliquet leur révolution permanente.

A l’inverse, nous avons pu constater lors des manifestations des gilets jaunes à quel point les grands médias étaient aux ordres du pouvoir. Face à un référendum contre lui, celui-ci déploierait immanquablement son arsenal médiatique pour imprimer le doute dans l’esprit des gens.

Nous aurions donc un rapport de force entre des mouvances révolutionnaires pratiquant un chantage au référendum et le parti au pouvoir déployant la force de sa propagande.

Cela condamne-t-il la démocratie directe ?

Dans une royauté, comme nous l’avons suggéré plus haut, le roi ne saurait être impliqué. Il est le recours ultime et c’est à lui que le référendum sera adressé. La démocratie directe est peut-être le moyen moderne de réaliser ce que les Capétiens ont toujours fait : contourner les grands pour s’adresser au peuple.

Ensuite, les réformes de la représentation parlementaire proposées par l’Alliance royale auraient pour effet de casser le régime des partis. La démocratie directe ne serait donc pas l’arme des partis d’opposition contre les partis au pouvoir, parce que le débat public aurait lieu ailleurs.

Enfin, une royauté capétienne en France s’appuierait sur une vraie démocratie locale. Nous invitons le lecteur à relire pour cela notre plateforme politique. Or, c’est au niveau local que les gens ont le plus envie de s’exprimer et c’est à cause de l’absence d’espace d’expression qu’ils en arrivent à se révolter. Les référendums d’initiative populaire sont donc capables, dans ce cadre, de responsabiliser les citoyens au lieu d’exciter en eux le réflexe contestataire.

Alors, démocratie directe, oui ou non ? Votons pour le « oui », mais, avant cela, il faudra d’abord changer de régime.

Bruno Castanier

Source du dessin : http://etrecitoyen.org/referendum-initiative-citoyenne/