L’étau de la radicalisation

Et si le principal péril menaçant les Français et leur sécurité était l’ultra-droite ?

Après l’arrestation l’année dernière de huit dangereux extrémistes, nos Services de la Sécurité intérieure viennent récemment de démanteler un autre groupe d’ultra-droite, d’une dizaine de suspects terroristes.

Le Ministère de l’intérieur s’en félicite en louant « l’engagement constant de la DGSI qui veille au quotidien à la protection des Français face à toute action violente, d’où qu’elle vienne». L’Alliance royale s’associe aux messages de félicitations pour ces policiers qui dans l’ombre luttent contre la violence, même présumée, lorsqu’elle a pour cible les innocents et les plus faibles. Elle voudrait bien tout autant féliciter nos pouvoirs publics qui voient dans les groupuscules d’extrêmes-droite une menace comparable à celle que fait peser le terrorisme islamique, l’extrême gauche étant, elle, par définition, exclue de l’équation.

Selon Euripide « Qui use de la violence subira à son tour la violence ». L’ancien patron de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) en est conscient et redoute « des situations complexes entre la communauté musulmane, les islamistes et certains extrémistes qui voudraient en découdre». Il s’agit donc bien pour nos pouvoirs publics d’aller directement à l’essentiel ; il est vrai qu’entre vingt mille fichés « S » répertoriés et une vingtaine d’ultra-droite, l’étau de la radicalisation se resserre inexorablement. Les forces entre ces belligérants potentiels ne sont pas encore en voie de s’équilibrer, mais la menace n’a pas échappé aux plus pertinents analystes de nos médias. Les faisceaux laser sont pointés sur l’ultra-droite groupusculaire, plongeant dans l’ombre la menace terroriste des réseaux djihadistes coupables de nombreux attentats avec des victimes innocentes par centaines. Dans une grande logique fallacieuse, nos médias nationaux traitent au même rang des scénarios de violence non avérés aux contours flous, ciblant des personnes radicalisées, et la violence de masse aveugle qui a déjà tué et peut affecter n’importe lesquels de nos concitoyens n’importe quand , n’importe où et n’importe comment.

Devant l’inquiétude du Sénat qui dénonce « l’inaction coupable des pouvoirs publics » au sujet de l’enracinement du salafisme et face au questionnement de nos gouvernants  « pour se préparer à faire face au nouveau défi » qu’est celui « des détenus terroristes et de la radicalisation en milieu carcéral », on conçoit que la première urgence soit de neutraliser une bande de « pieds nickelés » se réclamant de la droite la plus ultra. Dans un grand battage médiatique, il s’agit d’apporter une réponse justement proportionnée à la menace qui pèse sur les populations civiles. L’effet risque d’être limité car il n’est pas certain que nos concitoyens, tout au moins ceux qui ne représentent aucune menace imminente pour la sûreté de l’État, soient plus apaisés dans leur sommeil.

Dans sa grande sagesse, Gandhi, peu réputé comme apôtre du terrorisme, conseillait la violence « là où il n’y a le choix qu’entre lâcheté et violence ». Si en France on feint de discerner d’où vient la violence, on est au moins sûr de savoir d’où vient la lâcheté.

Philippe Nourrisson