Macron des sources

Épilogue d’un psychodrame qui a tenu en haleine tous nos concitoyens en cette fin d’été : l’impôt sera bien prélevé à la source. Le Président a tranché en faveur des deux tiers de Français qui estiment que les quarante pour cent de contribuables assujettis à l’impôt direct doivent s’alléger de leur dû au plus en amont de leurs revenus.

Cette grande puissance industrielle et agricole qu’était la France s’est mutée en un grand État administratif que tout l’Occident envie. L’explosion de nos capacités économiques a laissé place à un « big bang » technocratique, prélude de nos futurs développements pour retrouver nos richesses perdues. C’est la conclusion d’un travail d’arrache-pied, dont on ne saisit pas immédiatement l’intérêt, mais qui nous propulse dans l’ère de la modernité.

Pour se moderniser, il est besoin d’épousseter ; et c’est en dépoussiérant que nos prédateurs fiscaux se sont aperçus que nos monarques d’antan prélevaient un impôt sur le sel, pour financer leurs somptuaires dépenses. Nos gabelous contemporains n’ont pu résister au désir de le rétablir, et ce n’est que justice. Il existe en effet des centaines de taxes, dont celles sur le sucre, les édulcorants, ainsi que sur une multitude de produits alimentaires ; pour l’heure, les taxes sur le gluten et le curcuma ne font pas encore débat. Il s’agit d’un problème de santé qui fait aussi prendre conscience à ceux qui fument, consomment de l’alcool, mangent trop gras, trop sucré, trop salé, ou trop tout simplement, qu’ils doivent financer les maladies qui les priveront du bénéfice d’une longue retraite. Les autres taxes, qui ont été récemment instaurées ou relevées, n’ont d’autre but que de renforcer notre sécurité ou protéger notre environnement, parties intégrantes du bien public, tout en s’assurant de notre bienveillance. L’État parvient même à prélever de l’impôt sur les taxes au nom de l’équité. Avec toutes ces mesures pétries de bonnes intentions, la République nous touche au cœur, là où les méchants monarques nous saignaient après avoir récupéré la bourse. Et en nous « buclant » plume par plume, l’État rend la douleur bien plus supportable.

Les irréductibles n’ont pas saisi toute la finesse de cette révolution fiscale, ni tous ses effets insoupçonnés. En premier lieu, elle nous limite au seul souci d’assurer nos revenus, confiant à l’Administration fiscale le soin de les récupérer, sans notre autorisation et de façon peu lisible certes, mais pour nous épargner toute interrogation nuisible à notre moral. Puis en augmentant la bureaucratie dans les entreprises sans diminuer celle des administrations, la réforme engendrera des emplois utiles. Mais surtout, si on considère une source comme l’image de la pureté alors que l’argent est sale, le prélever avant même que nous l’ayons en poche, écarte tout risque de contamination. C’est avant tout une question d’hygiène publique.

Et si finalement, le Président s’intéressait à la réduction des dépenses à leurs sources et à la simplification de l’impôt plutôt qu’à sa collecte, ce serait le changement ; mais il y est réfractaire…

Philippe Nourrisson