Qui s’oppose à DAESH ?

Qui s’oppose vraiment à DAESH ? D’après la presse et les différents spécialistes que l’on entend à droite et à gauche, DAESH arrange beaucoup de monde: les Américains pour faire tomber le régime syrien allié des Russes, les Israéliens pour justifier leur politique de sécurité, les Saoudiens pour créer un conflit frontalier de l’Iran, les Turcs pour prévenir l’apparition d’un Etat kurde et renforcer leur influence dans le Caucase… Restent donc la Russie et l’Iran, et c’est à peu près tout, et encore ont-ils peut-être eux-mêmes intérêt à pousser leurs pions à la faveur du conflit. Pourtant, cette vision est encore fragmentaire : drogue, pétrole, nucléaire sont d’autres raisons possibles, sans compter la corruption, les manœuvres de la haute finance ou les pratiques démocratiques de détournement de l’opinion publique. « Il y a toujours douze causes à une guerre » nous dit l’adage , et nous n’en savons que bien peu. Voilà donc un conflit très localisé, dont on ne comprend pas bien les ressorts, et qui arrange beaucoup de monde. La France est aussi va-t-en-guerre que d’habitude mais toujours dans le sillage des Américains : contre la Syrie au début, puis contre DAESH maintenant, au point de se demander ce qui la motive? Pas la défense des Chrétiens d’Orient en tous cas. Elle n’a d’ailleurs quasiment plus de poids diplomatique dans la région et son attitude n’y est pas pour rien. Du reste, tout le monde s’accorde à dire qu’une intervention au sol serait une folie et que les bombardements aériens sont inutiles. Bref, si notre pays s’est fixé comme objectif d’arrêter le conflit, ce n’est pas gagné.

Il faut donc considérer le problème différemment, dans un esprit capétien. Une politique capétienne est faite de réalisme et de mesure. Elle se méfie des idéologies et des grands sentiments. Elle a pour objectif l’intérêt de la France et ne cherche pas pour cela à s’opposer frontalement aux événements mais elle fait levier sur eux pour arriver à ses fins. C’est ainsi que nos rois ont fait de la France un Etat souverain, rétabli nos frontières naturelles, contré les visées hégémoniques de nos voisins et fait de notre pays la première puissance mondiale avant que la révolution ne démolisse tout et nous entraine dans des conflits insensés.

C’est donc dans une perspective capétienne qu’il faut aborder la question. Partons pour cela d’un fait qui passe assez inaperçu. En février, un contrat tripartite a été signé entre la France, l’Arabie saoudite et le Liban pour équiper les FAL (Forces Armées Libanaises), pour un montant de 3 milliards de dollars. Les industries françaises sont sur les dents, l’armée elle-même s’investit dans l’accompagnement des militaires libanais. C’est donc un retour de la France dans la région. Les Saoudiens espèrent bien mener le jeu en jouant sur les paiements. Mais qu’importe. Nous avons à nouveau un pied dans la place. Il ne tient qu’à nous d’exploiter la situation. La France et le Liban ont une histoire commune, et un sentiment réciproque. Un Liban stable aura beaucoup plus d’effet que les bombardements sur DAESH. et il n’appartient qu’à nous d’en être les acteurs. Cela montre aussi que, derrière la façade guignolesque de la politique française, il y a encore, parmi nos hauts fonctionnaires et nos militaires, des gens réalistes et patriotes qui poussent leur pions au Proche Orient, en Afrique et ailleurs.

Autre approche possible : la question de l’Islamisme. Nous nous trouvons dans une situation compliquée. Non seulement nous ne pouvons pas vaincre militairement DAESH, mais l’Islamisme gagne du terrain en France où il constitue désormais une menace. Ce n’est d’ailleurs pas en engageant 10 000 soldats dans les opérations de police que l’on s’y opposera : c’est pour cela que les militaires reconsidèrent aujourd’hui de façon très sérieuse le risque insurrectionnel, scénario qui avait complètement disparu du Livre Blanc de M. Sarkozy. D’un point de vue politique, le gouvernement semble se satisfaire d’une lutte contre la stigmatisation des Musulmans, en vantant les vertus de la laïcité républicaine, en cherchant à « normaliser » l’Islam, en en fustigeant les « amalgames » et en fliquant les pseudo-agitateurs cathos. Si les moyens sont risibles, l’objectif est à prendre au sérieux. En effet, c’est cette stigmatisation que les Islamistes eux-mêmes recherchent, en France, en Tunisie, au Nigeria, au Proche Orient, et, finalement, dans le monde entier. Le problème n’est donc pas tant de prendre des mesures sécuritaires sur notre territoire et d’empêcher la stigmatisation des Musulmans que de reprendre l’ascendant sur les événements. D’abord, se protéger efficacement en sortant de l’espace Schengen, et en se dotant de moyens de contre-insurrection (cela passe par une véritable réforme de l’armée, mais c’est un autre sujet). Au niveau international, puisque c’est là l’objet de cet article, il faut créer des pôles d’influence ciblés, compte tenu de nos des capacités militaires restreintes. Le Liban, que nous avons évoqué, est une occasion rêvée. Le renforcement de l’influence française en Afrique sahélienne est aussi une nécessité stratégique. Là aussi, des hauts fonctionnaires et des militaires l’ont bien compris : leurs moyens doivent être renforcés. Il faut ériger dans le monde arabo-musulman des zones se stabilité. N’oublions pas que l’Islamisme est fort de la faiblesse de ses adversaires. C’est ainsi que DAESH et, en général le terrorisme islamique, perdra pied, y compris vis-à-vis des Musulmans eux-mêmes, à mesure que s’effilochera la fascination qu’il exerce sur leurs esprits. Et la France a évidemment, dans ce domaine, un grand rôle à jouer.

En conclusion, la guerre contre DAESH et les mouvements similaires ne peut être frontale. Elle ne peut pas non plus être réglée par la voie diplomatique ni la normalisation d’un pseudo-modèle musulman laïc. Le seul moyen d’en sortir est de reprendre l’ascendant dans le monde arabo-musulman, d’affirmer notre présence et d’apparaitre comme forts et déterminés. Si des responsables français l’ont compris et agissent en ce sens, Dieu merci, la république est, quant à elle, complètement dépassée dans ses discours comme dans sa politique étrangère. La conclusion s’impose d’elle-même.
Combattant-l-Etat-islamique Bruno Castanier